Le ronflement, une maladie ?
Par le Dr Emmanuel Schmitt, ORL (Oto-Rhino-Laryngologie), Poissy
Qui dans son entourage n'a pas subi les agressions bruyantes d'un ronfleur ou pire, constaté des arrêts de la respiration pendant le sommeil de son compagnon de nuit? Outre l'aspect anecdotique et banal de ce symptôme, celui-ci peut masquer une autre pathologie beaucoup plus sérieuse, les apnées du sommeil. Les conséquences de ces apnées et de ces ronflements suscitent de nombreuses études depuis la généralisation des enregistrements du sommeil, en hospitalisation ou maintenant à domicile.
Au-delà de 40 ans, 60% des hommes et 40% des femmes ronflent un peu, épisodiquement. Mais seulement 25% des hommes et 15% des femmes souffrent d’un ronflement important pathologique, ou ronchopathie. Par ailleurs, dans nos pays occidentaux, 4 % de la population présente un syndrome plus grave, celui d'Apnées du Sommeil ou SAS. Cette population compte 75% d'hommes.
Anatomie et physiologie du ronflement et des apnées
Lors de la respiration, l'air passe librement par le nez et la bouche, descend dans le pharynx, passe derrière la base de la langue pour rejoindre le larynx, cartilage (pomme d'Adam) contenant les cordes vocales. Le larynx est fixé en haut de la trachée. C'est l'entrée qui mène l'air à l'intérieur des poumons.
Coupe anatomique de profil
Au fond de la bouche, en arrière la langue, l'espace libre est relativement étroit. L'air doit passer entre la langue, le voile du palais, la luette et la paroi du pharynx. Lors du sommeil, les muscles sont relâchés, hypotoniques. Ils ont alors tendance à s'affaisser ce qui réduit encore le passage. Des conformations anatomiques individuelles, et la forme de la mâchoire inférieure, conditionnent le passage de l'air. Lorsque le voile du palais est long et épais, celui-ci réduit l'espace libre. (Zone R du schéma). Ces structures molles (paroi pharyngée, voile du palais, base de la langue) s'accolent l'une contre l'autre, et empêchent l'air de passer librement. Il se produit alors une vibration des tissus qui se traduit par le ronflement. Lorsque ce passage est trop réduit, la base de la langue crée un phénomène de soupape. Ce blocage empêche alors complètement l'air de pénétrer dans les poumons. Les efforts inspiratoires accentuent encore ce blocage, comme un bouchon placé à l'entrée de la trachée. C'est l'apnée obstructive. Après quelques inspirations inefficaces, un phénomène réflexe stimulera le système nerveux central qui déclenchera un réveil partiel. Cette stimulation redonne un peu de tonus aux muscles pharyngés qui se contractent et libèrent le passage. L'air pénètre à nouveau dans les poumons lors d'une grande inspiration, ample et souvent bruyante. Ce phénomène a tendance à se reproduire régulièrement durant la nuit.
Les facteurs anatomiques favorisant
Plusieurs facteurs sont susceptibles de provoquer le ronflement et des apnées obstructives. La conformation anatomique du massif facial, en particulier la longueur de la mâchoire inférieure, détermine la place de la langue dans la bouche. Ainsi, on trouvera beaucoup plus de ronfleurs et d'apnéïques chez les personnes ayant une mâchoire inférieure courte et rentrée. Un pharynx étroit, de grosses amygdales, une base langue volumineuse, peuvent réduire le passage de l'air. La surcharge pondérale est aussi un élément important. Le tissu graisseux, présent dans tous les organes, infiltre aussi la base de la langue. On considère habituellement qu'un kilogramme de poids du corps correspond à environ un gramme dans la base de la langue. Toute surcharge pondérale aura donc pour conséquence une augmentation de la base de la langue, ce qui réduit le passage du flux aérien.
L'association entre S.A.S. et ronflement
La quasi-totalité des patients (95%) ayant des apnées obstructives sont des ronfleurs. On peut considérer que le ronflement est un stade précurseur des apnées obstructives. Un bilan spécifique sera donc systématiquement demandé chez les gros ronfleurs.