Définition

L'individualisation du syndrome d'apnées obstructives du sommeil (SAOS) est relativement récente puisqu'elle remonte en 1976. Il reste que l'existence de troubles respiratoires nocturnes est connue depuis l'Antiquité et que Charles Dickens nous a laissé une description remarquable du tableau clinique, que le corps médical dénommera bien plus tard le " syndrome de Pickwick ". Les études épidémiologiques indiquent clairement qu'il s'agit d'une pathologie fréquente touchant 2 à 4% de la population adulte. Dans les centres d'études du sommeil, ce syndrome d'apnées est à l'origine de 43 à 59% des consultations pour hypersomnolence diurne et de 6 à 29% des consultations pour insomnie chronique. Encore insuffisamment reconnu, le SAOS se caractérise par la survenue répétitive d'apnées obstructives et d'hypopnées au cours du sommeil. La survenue de ces événements respiratoires nocturnes induit une importante désorganisation de la macrostructure comme de la micro architecture du sommeil. De part le retentissement sur la vigilance diurne de ces troubles du sommeil, le SAOS a un net impact sur la qualité de vie des patients. Tant les conséquences socioprofessionnelles des troubles de la vigilance que les fréquentes complications cardio- et cérébro-vasculaires du SAOS en font un véritable problème de santé publique.

DEFINITION

Le SAOS se définit par la survenue répétitive, au cours du sommeil, d'obstructions complètes ou partielles des voies aériennes supérieures, responsables d'apnées ou d'hypopnées.

  • Une apnée est définie par l'arrêt du flux aérien durant plus de 10 secondes, cet arrêt pouvant être d'origine centrale (absence de commande respiratoire), obstructive (obstruction des voies aériennes supérieures avec persistance des efforts ventilatoires) ou mixte (c'est à dire d'origine centrale puis obstructive). Au cours des apnées obstructives, la contraction des muscles respiratoires est incapable de faire entrer l'air dans les poumons du fait de l'obstruction des voies aériennes supérieures. Les apnées peuvent s'accompagner de micro éveils.
  • Il n'existe aucun consensus sur la définition des hypopnées. La recherche de la survenue d'hypopnées suppose une mesure quantitative, et non plus seulement qualitative, de la ventilation. A ce jour, la définition la plus utilisée est une diminution de la ventilation (du flux aérien) d'au moins 50 % pendant au moins 10 secondes, diminution associée à une désaturation artérielle en oxygène d'au moins 4%. Les hypopnées peuvent aussi s'accompagner de micro éveils.
  • On calcule alors un index d'apnées-hypopnées, soit le nombre d'apnées et d'hypopnées par heure de sommeil :
    IAH = (Nombre d'apnées + Nombre d'hypopnées) / Durée du Sommeil (mn) x 60

En fait, une valeur d'IAH n'a de sens que si elle est associée à des signes cliniques. La sévérité d'un SAOS ne peut se réduire à un index mais doit tenir compte de l'invalidité que représente l'hypersomnolence, de la souffrance physique et relationnelle des patients, des répercussions du syndrome sur le système cardio-respiratoire et sur le système nerveux.

Physiopathologie

Le SAOS est caractérisé par la répétition d'occlusions complètes (apnées) ou incomplètes (hypopnées) du pharynx. Cette région anatomique est complexe et est constituée de parois comportant des muqueuses, des muscles et des aponévroses. On remarque que le pharynx n'est constitué d'aucune structure rigide pour les soutenir et offre donc une grande susceptibilité à la déformation. Une anomalie des voies aériennes ou des muscles respiratoires peut n'entraîner aucun trouble pendant le jour grâce à des systèmes compensateurs, dont la perte pendant le sommeil peut favoriser l'apparition d'apnées.

CALIBRE ET FORME DES VOIES AÉRIENNES SUPÉRIEURES

A l'éveil, la forme des voies aériennes supérieures (VAS) est différente entre les sujets non ronfleurs, ronfleurs non apnéiques et apnéiques. L'augmentation de l'épaisseur des parois pharyngées latérales, des dépôts graisseux le long des parois pharyngées induisent une compression latérale des VAS. Toutes les anomalies morphologiques des VAS, comme une micrognathie, une rétrognathie, une hypertrophie de la base de la langue, favorisent et sont fréquemment associées à un SAOS. Il existe, en outre, une inflammation de la muqueuse des VAS chez les sujets apnéiques. Cette inflammation joue sur la collapsibilité des VAS par le biais d'une diminution de leur calibre lorsque le tonus vasculaire augmente. Des signes de souffrance musculaire à type de fibrose et d'dème ont également été décrits dans certains muscles des VAS. Ces anomalies sont de plus en plus marquées en fonction de l'importance des troubles respiratoires au cours du sommeil. De fait, elles témoignent des conséquences du traumatisme des VAS lié à la vibration tissulaire nocturne. Ces modifications tissulaires jouent elles-mêmes un rôle dans les propriétés mécaniques des tissus des VAS. L'élastance de la luette, reflet de la rigidité tissulaire, est plus élevée chez les patients apnéiques que chez les ronfleurs et ce, par dème, inflammation et fibrose des tissus péri musculaires associés à une plus grande proportion de tissu adipeux. Ainsi, l'index d'apnée augmente proportionnellement à l'élastance de la luette et, malgré une plus grande capacité à générer une tension des muscles dilatateurs des VAS chez le sujet apnéique (cf. infra), le déplacement tissulaire est moindre du fait d'une inefficacité de transmission de cette force dilatatrice aux tissus mous.

LES MUSCLES DILATATEURS DES VOIES AÉRIENNES SUPÉRIEURES

La contraction des muscles inspiratoires (essentiellement du diaphragme) crée une dépression négative, c'est à dire inférieure à la pression atmosphérique, ce qui attire l'air dans les poumons. Cette pression négative a tendance à fermer le conduit des VAS. Normalement, un mécanisme protecteur est mis en jeu avant même le début de l'inspiration par la contraction des muscles dilatateurs du pharynx. L'activité électromyographique phasique des muscles dilatateurs précède celle des muscles respiratoires. En outre, l'activité tonique des muscles oropharyngés est un élément important du maintien de la perméabilité des VAS, une diminution de cette activité tonique s'accompagnant d'une diminution de volume des VAS. En fait, toute modification de l'activité des muscles dilatateurs du pharynx va modifier la collapsibilité des VAS. Ainsi, les activités toniques et phasiques des muscles des VAS diminuent avec le sommeil, de façon variable d'un muscle à l'autre. Outre le sommeil, les muscles dilatateurs sont sensibles aux stimuli métaboliques (hypoxie, hypercapnie) et mécaniques (pression négative dans les VAS). Il faut noter à ce propos les effets délétères de l'alcool et de certains médicaments comme les benzodiazépines qui dépriment l'activité des muscles pharyngés. Mais, il apparaît, en fait, que l'activité du muscle génioglosse est plus élevée chez les patients apnéiques que chez les sujets normaux à l'endormissement, au cours du sommeil mais surtout à l'éveil. Les caractéristiques histochimiques et métaboliques des fibres musculaires des muscles pharyngés et laryngés varient entre les sujets apnéiques et ronfleurs simples, l'ensemble des muscles pharyngés et laryngés des sujets ronfleurs et apnéiques semblant faire face à une adaptation physiologique en réponse à un exercice de type résistif répété supra maximal prolongé : hypertrophie musculaire - augmentation de la proportion des fibres IIA à contraction rapide – augmentation des activités enzymatiques de la voie anaérobique ... On ne peut donc pas invoquer une simple diminution de l'activité des muscles dilatateurs oropharyngés dans le sommeil pour expliquer l'obstruction des VAS dans le SAOS.

IRRÉGULARITÉS RESPIRATOIRES DANS LE SOMMEIL ET DÉCLENCHEMENT DES APNÉES

Plusieurs arguments supportent actuellement l'hypothèse que les irrégularités respiratoires, telles que l'alternance d'hypo et d'hyperventilations, sont en fait à l'origine des apnées obstructives :

  • Celles-ci sont presque exclusivement observées dans le sommeil lent léger et au cours du sommeil paradoxal, où il existe des fluctuations physiologiques de la ventilation mais pratiquement jamais au cours du sommeil lent profond, où la respiration est très stable et régulière.
  • La respiration au cours du sommeil reste périodique après trachéotomie chez les patients porteurs d'un SAOS.
  • L'induction de phénomènes de respiration périodique dans le sommeil s'accompagne d'obstructions des VAS chez l'homme normal...

Il existe, de fait, au cours des périodes d'hypoventilation, une baisse de l'activité des muscles oropharyngés comme un retard d'activation de ces muscles par rapport aux muscles respiratoires – retard de contraction des muscles dilatateurs observé dans la majorité des apnées obstructives. L'origine d'une telle instabilité respiratoire chez le patient apnéique reste à élucider, l'augmentation des résistances des VAS pouvant elle-même induire une instabilité respiratoire.

Epidémiologie

Dans la plupart des études récentes se basant sur un IAH > 15 dans des groupes d'âge moyen, la prévalence du SAOS est comprise entre 4 et 25%. Cependant, la fréquence réelle du SAOS n'est pas connue avec certitude car aucun échantillon représentatif de la population générale n'a bénéficié d'une polysomnographie de dépistage.

 

FACTEURS JOUANT SUR LA PRÉVALENCE DU SAOS

La prévalence du SAOS augmente nettement avec l'âge et ce, surtout après 60 ans.

Dès les premières études, il est apparue une nette prédominance masculine. Le rôle des hormones sexuelles est confirmée par l'augmentation de la prévalence des troubles respiratoires nocturnes chez la femme après la ménopause. L'administration d'hormones mâles provoque l'aggravation d'un SAOS chez l'homme et l'apparition d'un SAOS chez la femme.

La grande fréquence des obèses parmi les patients atteints de SAOS est une notion classique. Le rôle de l'obésité, essentiellement l'obésité tronculaire (ou androïde), est confirmé par la diminution de l'IAH après une perte de poids.

Il existe également une association nette entre SAOS et ronflements.

Une relation entre la prévalence des apnées nocturnes observées par l'entourage et la consommation d'alcool a été retrouvée chez les hommes dans une enquête de terrain récente. La plupart des auteurs penchent pour un effet direct de l'alcool sur les muscles dilatateurs du pharynx.

En concordance avec une association tabagisme ronflements, on retrouve une proportion significativement plus élevée de SAOS chez les fumeurs. Après ajustement sur l'âge, le poids, la consommation de café et d'alcool, le risque relatif est 3 fois plus élevé chez les fumeurs.

Il existe une prévalence très élevée des anomalies ORL chez les patients atteints de SAOS - surtout l'obstruction nasale.

Certaines études arguent en faveur de l'existence d'un facteur génétique, trouvant une prévalence exceptionnellement élevée (47%) de troubles respiratoires nocturnes chez les fils de 45 patients présentant un SAOS. Des familles présentant plusieurs patients atteints d'un SAS ont été décrites dans la littérature. Cette ségrégation familiale s'explique par le fait que la plupart des facteurs de risques impliqués dans la physiopathologie des SAS sont largement déterminés génétiquement (obésité, alcoolisme, facteurs anatomiques osseux et des tissus mous qui prédisposent à l'obstruction des voies aériennes supérieures).

Des différences de configuration anatomique des voies aériennes supérieures laissent supposer une influence ethnique sur la survenue d'un SAOS. Il existe un risque 2 fois plus important de troubles respiratoires nocturnes chez les Américains d'origine africaine comparativement aux Américains d'origine caucasienne. Les sujets d'origine africaine présentent des troubles respiratoires nocturnes en moyenne 8,4 ans plus tôt que les patients d'origine caucasienne.

Certaines pathologies endocrines, enfin, sont fréquemment associées à un SAOS, comme l'acromégalie, le syndrome de Cushing ou, surtout, une hypothyroïdie et un diabète.

L'administration de certains médicaments comme les benzodiazépines (somnifères, anxiolytiques ..) et les bêtabloquants aggravent un SAOS.

SAOS, MORBIDITÉ ET MORTALITÉ

La mortalité des SAOS est essentiellement d'origine vasculaire.
Au plan de la morbidité, les risques relatifs comparés à des sujets normaux de même âge sont de 2 fois plus d'hypertension artérielle (HTA), 3 fois plus d'insuffisance coronarienne et 4 fois plus d'accidents vasculaires cérébraux.

L'influence du SAOS seul sur la mortalité reste cependant controversée et d'une grande actualité. Une première étude portant sur 20 sujets âgés ne constate aucune différence due à la présence d'événements respiratoires nocturnes dans les taux de morbidité et de mortalité. A l'opposé, d'autres auteurs trouvent, sur 385 sujets masculins suivis pendant 8 ans, une probabilité de survie cumulée nettement diminuée chez les patients ayant un IA > 20 (0,63) comparativement à celle (0,96) des patients avec un IA < 20 et ce, surtout pour les sujets âgés de moins de 50 ans. Une étude rapporte une mortalité triple chez les sujets âgés avec un IA > 10. Une étude récente portant sur 1620 patients avec SAOS montre un excès de mortalité pour les hommes de 40 à 60 ans et souligne le rôle délétère de l'obésité et de l'hypertension. Une étude rétrospective portant sur 3 100 hommes âgés de 30 à 69 ans a étudié la mortalité associée au ronflement et à la somnolence diurne excessive sur une période de 10 ans : une augmentation de mortalité (RR = 2,7) a été retrouvée chez les sujets de moins de 60 ans souffrant de ronchopathie et d'hypersomnolence diurne.

SAOS ET QUALITÉ DE VIE - SAOS ET SANTÉ PUBLIQUE

L'hypoxémie nocturne due à la survenue répétitive des apnées a des conséquences à long terme (HTA, polyglobulie, vieillissement cérébral). Les nombreux micro éveils nocturnes induits par les apnées, si ils sont au départ " protecteurs ", entraînent une importante fragmentation du sommeil elle-même à l'origine de profonds troubles de la vigilance diurne. Apparaissent des troubles de l'attention et de la mémoire, une irritabilité, une certaine morosité voire un syndrome dépressif avec une détérioration des rapports familiaux et professionnels. Au plan social, les conséquences les plus graves de cette hypersomnolence diurne restent la survenue d'endormissements au volant produisant des accidents de la circulation. Aujourd'hui, les pathologies du sommeil et les troubles de la vigilance sont inscrites parmi les affections susceptibles de donner lieu à la délivrance d'un permis de conduire de durée de validité limitée (Journal Officiel du 29 Mai 1997).

Il existe, de fait, une augmentation de la consommation des ressources de santé chez les patients porteurs d'un SAOS. En outre, ces patients représentent un danger tant sur les routes que sur leur lieu de travail, majoré par le fait que tant les malades que le corps médical négligent le syndrome. Pour les pouvoirs publics, le SAOS pose des problèmes de coût : coût du diagnostic – essentiellement de la polysomnographie, coût du traitement à long terme - essentiellement de la pression positive continue (PPC). On peut espérer qu'un diagnostic précoce et un traitement efficace préviendront la survenue des complications et que l'on parviendra à trouver des procédures diagnostiques plus simples et moins coûteuses.

Aspects Cliniques du SAOS

Les patients atteints de SAOS se présentent rarement d'emblée chez le spécialiste du sommeil. La myriade de symptômes présentés, peu spécifiques du SAOS, amène la consultation d'un grand nombre de spécialistes divers. Le tableau ci-dessous énumère la liste des symptômes rencontrés.

SYMPTOMES RENCONTRÉS DANS UN SAOS

 

 

 

 

SIGNES DIURNES

SIGNES NOCTURNES

Céphalées matinales Ronflements
Hypersomnolence Apnées nocturnes
Accès de sommeil non réparateurs Sommeil agité
Troubles de la mémoire Sueurs nocturnes
Difficultés de concentration Éveils en sursaut avec sensation d'étouffement
Troubles du comportement Nycturie
Syndrome dépressif Énurésie
Troubles de la libido - Impuissance Somnambulisme
Comportements automatiques Dyspnée paroxystique nocturne
Accidents de la circulation, accidents professionnels Hypersialorrhée

 

L'oto-rhino-laryngologiste est consulté pour des ronflements; l'endocrinologue voit s'endormir dans sa salle d'attente un patient obèse vraisemblablement affecté par un SAOS; le médecin du travail peut être alerté par un conducteur s'endormant fréquemment au volant de sa voiture, de son camion ou de son train; les troubles de la libido amènent le patient dans le cabinet de l'urologue; le psychiatre peut être consulté pour des pertes de mémoire, des troubles de l'humeur voire un syndrome dépressif; les pneumologues et les cardiologues peuvent voir le patient au stade de l'insuffisance respiratoire ou de la décompensation cardiaque droite; les neurochirurgiens sont confrontés à la survenue brutale d'un accident vasculaire cérébral. Les praticiens voient un adulte fatigué, généralement accompagné de son partenaire tout aussi las à cause des ronflements incessants et sonores de son conjoint et souvent angoissé par les multiples apnées nocturnes qu'il peut observer.

Le poids et la taille sont des éléments essentiels du dossier. Ils permettent le calcul de l'index de masse corporelle (IMC). L'obésité est retrouvée chez environ deux tiers des patients porteurs d'un SAOS (IAH > 20 – 62% des patients ont un IMC > 30 kg/m2). Il s'ensuit que plus d'un tiers des patients ne sont pas obèses, environ 9% d'entre eux pouvant avoir un poids normal (IMC < 25). Une obésité franche (IMC > 35 kg/m2) est présente dans environ 25% des cas. Il faut souligner à ce propos qu'une obésité marquée est beaucoup plus fréquente dans les séries nord-américaines et australiennes que dans les séries européennes (IMC moyen : 31-33 kg/m2).
L'hypertension artérielle est retrouvée chez 50% des patients avec SAOS et la prévalence du SAOS au sein d'un groupe de sujets hypertendus est au moins 3 fois plus importante que celle de sujets normotendus. Si l'on stratifie précisément les données en fonction de l'index de masse corporelle, il existe une relation significative entre l'IAH et la pression artérielle et ce, surtout chez les sujets de moins de 50 ans.

LES RONFLEMENTS

Le ronflement est un symptôme cardinal, existant chez 70 à 95% des patients présentant un SAOS. Il s'agit d'un bruit intense, entrecoupé de gargouillements, allant crescendo pour être interrompu par une apnée et réapparaître de façon explosive à la reprise ventilatoire. Souvent source de conflits conjugaux de part sa sonorité qui empêche le partenaire de chambre de dormir, il est provoqué par la mise en vibration des parties molles du pharynx comprenant la luette, le voile du palais et la base de la langue, mise en vibration secondaire aux turbulences du flux aérien inspiratoire. Il faut savoir qu'il existe des SAOS " silencieux " qui sont soit des SAOS extrêmement sévères s'accompagnant d'une insuffisance respiratoire ne permettant plus de générer les pressions et les débits suffisants pour produire le ronflement soit des SAOS continuant à se développer à bas bruit chez les patients ayant déjà bénéficié d'une uvulo-palato-pharyngoplastie. Il reste que le ronflement est fréquent dans la population générale et n'est pas synonyme de SAOS. Les différentes études épidémiologiques montrent une prévalence dans la population générale de 19%. La prévalence augmente avec l'âge, dans les deux sexes après 35 ans, et l'on estime que 60% des hommes et 40% des femmes d'âge moyen (41 – 65 ans) sont des ronfleurs habituels. Les facteurs de risque du ronflement sont les mêmes que ceux du SAOS : facteurs anatomiques crânio-faciaux, sexe masculin, obésité et âge. Il est exacerbé par le décubitus dorsal, la prise de poids, la prise d'alcool, le tabagisme, la prise d'hypnotique et la privation de sommeil.

LES APNÉES NOCTURNES

Rapportées par le conjoint pour lequel elles sont particulièrement angoissantes, ces pauses respiratoires sont de fréquence et de durée variable, pouvant dépasser les 30 secondes. Les patients peuvent rapporter, quant à eux, des sensations d'étouffement nocturne, les obligeant à s'asseoir voire à ouvrir la fenêtre. Elles sont décrites dans 65 à 92% des cas de SAOS authentifié par une polysomnographie (PSG) mais également retrouvées chez 31 à 64% des cas pour lesquels la PSG ne confirme pas le diagnostic.

AUTRES MANIFESTATIONS NOCTURNES

En plus des ronflements et des pauses respiratoires, d'autres manifestations nocturnes sont rencontrées :

Un sommeil agité et non réparateur – avec de nombreux mouvements accompagnant la survenue des apnées et la reprise ventilatoire

Des sueurs nocturnes, fréquentes (66% des cas), qui constituent un signe indirect avec l'existence d'un sommeil agité

Une nycturie retrouvée chez 28% des patients porteurs d'un SAOS. Ce symptôme serait lié à la sécrétion de facteur auriculaire natriurétique(FAN) provoquée par les variations importantes de pression intra-thoracique au cours des apnées. Plus rarement, on observe une énurésie chez 5% des patients.

On rapporte 10% de cas de somnambulisme dans une population de SAOS.

L'HYPERSOMNOLENCE DIURNE

La déstructuration du sommeil liée à la fréquence des micro éveils et à la quasi absence de sommeil lent profond provoque une hypersomnolence diurne, qui peut prendre des degrés très divers. Elle va se manifester d'abord en période postprandiale puis survenir dès que le patient n'est plus stimulé (lecture, tâches répétitives, conduite monotone) pour devenir majeure, compromettant la vie familiale, sociale et professionnelle du patien. Évaluée par des échelles de somnolence comme la très classique échelle d'Epworth, elle peut être sous-estimée par le patient car elle fait partie de son quotidien depuis des mois voire des années. 40% des patients ayant un score à l'échelle d'Epworth inférieur à 12, et donc sans hypersomnolence diurne excessive, ont un IAH supérieur à 20. En outre, il ne faut pas négliger les patients qui n'ont aucun intérêt à se plaindre de leur somnolence comme les chauffeurs routiers ou les conducteurs de train et ce, de peur de perdre leur emploi. La survenue d'endormissements chez les conducteurs automobiles est cependant une des conséquences les plus graves du SAOS en raison du risque d'accidents 2 à 3 fois supérieur à celui de la population générale, risque qui augmente avec la gravité du SAOS. Il est par ailleurs intéressant de noter qu'il n'existe pas de liens de proportionnalité entre la somnolence diurne évaluée par l'échelle d'Epworth ou objectivée au laboratoire par un test itératif de latence d'endormissement, d'une part, et les différents paramètres polysomnographiques témoignant de la sévérité du SAOS (IAH, micro éveils .. ), d'autre part.

Calculez votre score à l'échelle d'Epworth (modifiée)

AUTRES MANIFESTATIONS DIURNES

Nettement moins évocatrices, ces manifestations sont cependant importantes à connaître et à rechercher. On observe :

Des céphalées matinales ou qui réveillent le patient. Elles peuvent persister plusieurs heures après le réveil et survenir après une sieste prolongée.
Des troubles de la libido, en particulier chez l'homme – touchant jusqu'à 28% des patients.
La somnolence diurne peut interférer avec les fonctions intellectuelles. On ne sait si l'altération des fonctions supérieures (défaut de concentration et de l'attention, altération de la mémoire et du contrôle visuo-moteur) est liée à la somnolence ou à la pathologie respiratoire dans le sommeil et à l'hypoxémie.
Des troubles de l'humeur et du comportement, avec irritabilité et même dépression, dont on ne sait également s'ils sont dus aux troubles du sommeil ou à la pathologie respiratoire dans le sommeil.

VALEUR PRÉDICTIVE DES SIGNES CLINIQUES

Plusieurs études ont tenté d'évaluer la valeur prédictive de l'anamnèse et d'un examen clinique simple chez les patients suspects de SAOS. Certains, en associant les variables âge, apnées observées par le conjoint, IMC et HTA, ont développé une formule de prédiction diagnostique dont la sensibilité est de 92% mais dont la spécificité n'est que de 51% et ce, pour un seuil d'IAH fixé à 15. De même, sur l'étude de 215 patients suspects de SAOS, d'autres auteurs montrent qu'aucune variable prise isolément n'est utile pour prédire un SAOS; cependant, la combinaison du sexe, de l'âge, de la fréquence du ronflement, des apnées observées par le partenaire, l'existence d'une somnolence diurne, la consommation d'alcool et, enfin, l'IMC permet d'exclure le SAOS, avec un IAH égal à 15, mais pas de l'affirmer.

Ainsi, si la prédiction diagnostique des ces diverses équations est supérieure à la simple impression du clinicien, aucune n'est suffisamment spécifique pour remplacer la polysomnographie en cas de suspicion de SAOS. A l'opposé, chez les sujets classés comme ayant une faible probabilité clinique de SAOS (10 à 30% des patients selon les études), la sensibilité de ces approches pourrait être suffisante pour exclure le diagnostic et éviter ainsi environ 30% des polysomnographies inutiles. La généralisation de ces formules à tous les laboratoires de sommeil est cependant difficile car les résultats dépendent de la prévalence du SAOS dans la population étudiée, prévalence variable selon le recrutement propre de chaque laboratoire.

Retentissement 1

RETENTISSEMENT DU SAOS

Rappelons que les différentes études épidémiologiques réalisées chez les patients porteurs d'un SAOS retrouvent une surmortalité liée à l'IAH, l'âge du patient, son poids ou la présence d'une HTA concomitante. L'existence d'un SAOS augmente le risque de voir survenir une hypertension artérielle systémique (HTA), des troubles nocturnes du rythme cardiaque, un infarctus du myocarde, une insuffisance cardiaque et une ischémie cérébrale.

    Le SAOS entraîne une importante fragmentation du sommeil. En effet, chaque reprise ventilatoire au décours d'une apnée nécessite un allègement du sommeil ou la survenue d'un micro éveil, causes d'une désorganisation majeure du sommeil. L'index d'efficacité du sommeil est nettement diminué, avec une augmentation de l'éveil intra-sommeil aux dépens de la durée totale du sommeil. Le sommeil en lui-même s'approfondit peu, avec une nette augmentation du sommeil lent léger (Stades I et II) aux dépens du sommeil lent profond (Stades III et IV). Le sommeil paradoxal est quant à lui également diminué.
    De nombreuses modifications cardio-vasculaires aiguës, liées aux apnées et aux hypopnées, surviennent dans le sommeil. Ces modifications hémodynamiques propres au SAOS viennent se surajouter aux changements hémodynamiques spécifiques à chaque état de vigilance.
    On rapporte également des modifications endocriniennes, liées tant à la survenue des événements respiratoires nocturnes qu'à l'importante fragmentation du sommeil qui en découle. On observe, en effet, chez les patients porteurs d'un SAOS sévère, une augmentation de la diurèse et de la natriurèse nocturnes. Ceci est dû à une augmentation de la sécrétion du facteur atrial natriurétique. On note également un déficit de sécrétion en hormone de croissance, lié à la disparition du stade IV de sommeil lent profond, stade au cours duquel on observe normalement le pic de sécrétion de cette hormone.

RETENTISSEMENTS IMMÉDIATS

    Au cours du sommeil lent, on observe une chute progressive physiologique de la fréquence cardiaque, du débit cardiaque et de la pression artérielle. La chute du débit cardiaque est liée à la réduction relative de la fréquence cardiaque, sans modification du volume d'éjection systolique. La chute de la pression artérielle est liée à la chute du débit cardiaque, sans modification des résistances vasculaires périphériques. Ces modifications sont les plus marquées au cours du stade IV de sommeil lent profond et sont essentiellement liées à une augmentation du tonus vagal parasympathique au cours du sommeil lent. Au cours du sommeil paradoxal, il existe, à l'opposé, une grande variabilité du rythme cardiaque et de la pression artérielle liée à une augmentation du tonus orthosympathique.
    Les patients atteints d'un SAOS vont présenter, au cours de la nuit, des oscillations permanentes de leurs paramètres hémodynamiques (fréquence cardiaque, débit cardiaque, pression artérielle). Ces oscillations sont liées tant à la survenue des événements respiratoires nocturnes qu'aux changements rapides d'états de vigilance (micro éveils) induits par ces anomalies ventilatoires. Elles sont donc le résultat de l'intégration des réponses à 5 types de stimuli : l'hypoxie, l'hypercapnie, les modifications de volume pulmonaire ou de pression endothoracique, les micro éveils liés aux apnées comme le stade de vigilance au cours duquel survient l'apnée. Si la bradycardie en cours d'apnées continue à être décrite comme une manifestation classique du SAOS, la tendance actuelle penche pour une accélération de la fréquence cardiaque en cours d'apnée avec une augmentation supplémentaire lors du micro éveil et de la reprise ventilatoire. Seuls 10% des patients, porteurs de SAOS majeur et très désaturant, présenteraient des bradycardies très sévères de fin d'apnée. La chute habituelle de la pression artérielle observée au cours de la nuit chez le sujet normal disparaît chez le patient apnéique et ce d'autant plus que le SAOS est plus sévère. La pression artérielle atteint son niveau le plus bas au début de l'apnée puis va crescendo pour atteindre son niveau maximum quelques secondes après la reprise ventilatoire au moment du micro éveil – moment où la SaO2 est minimale.
    La vitesse du flux sanguin cérébral (VFSC) varie parallèlement à la pression artérielle. Pression artérielle et VFSC augmentent donc au cours de l'apnée pour atteindre un maximum au moment de la reprise ventilatoire. Il existe alors une chute rapide de la pression artérielle et de la VFSC, qui devient inférieure aux valeurs initiales. Avec la répétition des apnées, on peut donc observer des périodes prolongées de diminution du débit sanguin cérébral. Cette diminution du débit sanguin cérébral est liée à la longueur des événements obstructifs et à la désaturation associée. La période d'hypotension suivant immédiatement la reprise ventilatoire pendant laquelle l'hypoxémie est importante et la perfusion cérébrale minimum correspond probablement au moment où le cerveau est le plus vulnérable – tendant à expliquer le risque accru d'accidents vasculaires cérébraux chez les patients apnéiques.